Science ? Art ? Les conditions d’une rencontre.
Ce projet de recherche mené en collaboration avec le LABRI (Laboratoire Bordelais de Recherche en Informatique), met en résonance l’appréciation du champ émotionnel d’un sujet et la mobilisation de sa pensée avec le champ d’une interaction, sonore, musicale et physique.
L’intention est de créer un dispositif qui soit « performé » face à un public. Le public que nous souhaitons rencontrer doit être constitué de ceux qui sont sensibles à l’objet expérimental de la démarche mais aussi de ceux qui sont sensibles à une proposition plus poétisée du projet. Se pose alors la question de l’exploration et de la prise de risque ainsi que de la « vérité » scientifique autant que l’exploration, et la prise de risque artistique.
Nous sommes face à une découverte et une expression du champ émotionnel que vit le sujet dont l’on enregistre les réactions. Le public par projection s’identifie au sujet en situation.
Il est intéressant de restituer un cadre propre à positionner le spectateur d’une réelle expérience tout en amplifiant les échos émotionnels et en jouant sur les modes de stimulation que le sujet autant que le public puissent partager (son, image, corps mobile ou statique etc.).
Le projet
Cette expérience que nous avons choisie de la définir comme une démarche initiatique. Cela suppose que le long de l’exploration, le sujet met en jeu son histoire, sa mémoire affective, le développement de sa pensée et son adaptation au monde. L’initiation suppose aussi que l’on explore, que l’on se perde dans des territoires sinueux faits de doutes et de reconnaissance.
Trois éléments sont à prendre en compte dans la construction de ce voyage :
- Le sous-texte
- Les sujets ; le musicien, la danseuse
- Le dispositif de l’installation (le chercheur, le vidéaste, le chorégraphe)
Le sous-texte : « l’esclave vieil homme et le molosse » de Patrick Chamoiseau
C’est un classique de la littérature contemporaine.
C’est un récit où l’on suit le personnage dans un parcours initiatique, un vieil esclave chargé de toute l’histoire de sa vie mais coupé de l’expérience et de la transmission de son passé africain. Il nous raconte sa fuite en pleine nature. En se perdant, il explore un territoire inconnu qui réveille en lui des correspondances avec des sensations d’un passé qui lui semblait inaccessible. Comme dans notre expérience, ses émotions sont mobilisées, stimulées par le choc entre son histoire, sa mémoire trouble, sa construction psycho-émotionnelle et ce que l’œil, les odeurs, la peau, la chair, l’espace lui renvoie.
Il y a dans ce récit la mise en jeu d’une construction personnelle dans une tentative de reconnaissance à soi et aux éléments.
Notre récit adapté à la scène va suivre les questionnements du sujet. Le découpage des « scènes » va nous permettre de mettre en avant différentes explorations du dispositif de recherche.
Les sujets : le musicien chercheur et les danseuses exploratrices
Le récit se réfère à une inscription dans un espace identitaire, tout sujet s’y retrouve de faite. Ici certains éléments (qui ne doivent jamais être séparés) nous donne l’occasion d’exposer des sujets contrastés, homme / femme, stigmate culturel, l’oreille / le regard et la peau / le contact. Ceci nous laisse la perspective de stimuler tous les sens d’un sujet et dans des constructions psycho émotionnel contrasté.
L’identité nous concerne tous ainsi que nos rapports psycho-affectifs avec notre environnement.
Le dispositif scénique
Notre idée est de rendre directement lisible tout le dispositif de restitution du processus scientifique : casque, ordinateur, écran, etc. Celui-ci va se confondre à un dispositif visuel, sonore et de mise en lumière. On va plonger les sujets dans une « jungle » où ils vont chercher leur chemin et éprouver leurs sens.
Nous souhaitons que les publics s’identifie au sujet et soient eux-mêmes parfois en situation d’éprouver leur propre affecte et se sentent engagé dans l’expérience et participent de ce fait au processus poétique.
“Avance toujours, avance !” est une pièce dansée chorégraphiée par Alain Gonotey (Cie Lullaby), dont la trame musicale est assurée par un musicien jouant du saxophone augmenté (Pierre-Henri Vulliard), et par un logiciel de musique générative l’accompagnant en temps-réel.
Les signaux physiologiques de la danseuse et du musicien sont captés grâce a des casques EEG, et sont utilisés pour influer sur divers paramètres du spectacle : lumière, vidéo, musique générative et effets audio.
La vidéo crée un espace 3D de représentation symbolique des structures musicales et des états physiologiques vécus au cours du spectacle, mettant ainsi en évidence les rapports et les intéractions existant naturellement entre musique et émotions. A partir de moyens issus de la recherche, le scénario se construit autour d’un jeu entre la danseuse, son image, et les actions du musicien.
Ce spectacle a été présenté au Théâtre en Miettes lors de la soirée MeltingCode Live le 20 avril 2013, dans le cadre du festival MeltingCode organisé par l’association Les Morphogenistes, partenaire du SCRIME.
La Forme
Un spectacle entre l’expérimentation qui se déroule devant le spectateur et le récit d’une rencontre entre deux sujets et leur environnement.
Les signaux sont nombreux référents à ces deux approches. Le plateau expose le cadre réel du lieu de travail du chercheur et des sujets qui participent à son projet. Progressivement ces supports (inscription, image, observation des données et caméra qui lisent les situations proposées sous différents angles) vont être le terrain de jeu des deux personnages (Pierre Henri Vulliard (musicien chercheur), Cindy Villemin (danseuse). Ils vont détourner le lieu de travail, en changer l’usage. Cela va leur permettre de raconter leur exploration intérieure en la projetant dans l’espace. Le récit se construit comme une fuite propice à un aller-retour entre introspection et découverte du monde extérieur.
Le Fond
Les casques embarqués par les sujets restituent en permanence des informations à caractère émotionnel et cognitif qui sont partagés avec le public sur l’écran. Cela est un vecteur d’empathie et d’attente. Chaque expérience s’invente en temps réel. Les sujets en action ne peuvent pas anticiper toutes les situations qui leur sont proposées et doivent bien les interroger au regard de leur propre histoire sans trop de censure. Les réponses sont un ajustement entre leur vécu dans une circonstance d’exploration particulière. Le sous texte du récit de la fuite prend alors tout son sens.
Pour en savoir plus sur ce projet, vous pouvez vous rendre sur son site officiel : scrime.u-bordeaux.fr